Elle porte une robe simple mais jolie, même si en fait ça n'a pas d'importance car le visage de Charlotte, pommettes apaches et sourire mutin, l'habille d'un rien.
On est à une soirée avec des gens que je ne connais pas ou très peu. Sans doute moins spirituel que spiritueux j'essaie désespérément d'attirer son attention en balançant à la cantonade quelques considérations qui se veulent caustiques mais qui ne semblent pas atteindre leur but. Faute de savoir comment occuper mes mains et mon esprit, je réapprovisionne tout le monde en bières, ce qui me donne l'occasion d'effleurer ses doigts fins, l'espace d'une seconde qui me parait être une minute. Quand il s'agit de jolies filles, tous les moyens sont bons pour approcher le Graal non ?
Un frisson parcourt l'assemblée alors qu'un type balance "Pass this on" de The Knife. Elle se déhanche lascivement au son du synthé en posant ses mains sur l'épaule d'un type qui n'a pas l'air de comprendre sa chance alors qu'une copine lui murmure à l'oreille des paroles qui doivent être amusantes si j'en crois le sourire franc qui se dessine sur son visage.
Changeant de stratégie, je me dis qu'il est temps de prétexter l'indifférence et de battre en retraite, quitte à rejoindre un groupe de types qui n'ont pas l'air de trop savoir ce qu'ils foutent là. Pas plus que moi d'ailleurs, qui ne comprend pas un traitre mot de leur discussion et qui dévore des yeux l'objet de la convoitise, divinement moulé dans ce bout de tissu, chignon relevé en arrière. Même si un rien l'habille, je me surprends à l'imaginer nue, ces hanches étroites, ces petits seins qui pointent juste ce qu'il faut, un corps de femme coincé dans celui d'une adolescente quoi. Ce qui m'amène à me demander le genre de fille qu'elle pouvait être à cet âge-là et à me dire que j'aurais bien aimé la rencontrer alors. Moi-même trop timide pour l'aborder, elle m'aurait peut-être invité au cours du quart d'heure américain d'une boum. On aurait dansé l'un contre l'autre alors que j'aurais eu du mal à réprimer un tremblement au moment de lui prendre la main, la rétine et les pupilles qui brillent d'émotion. J'aurais fait comme Tyler, the Creator dans je sais plus quelle chanson et me serais servi de son prénom comme mot de passe, juste pour pouvoir me rappeler tous les jours la chance que j'ai, alors que, faute de textos, on se serait écrit des lettres qui auraient inondé une boîte au lettre que l'on aurait ouverte avec toujours autant d'impatience.
Mais non, je suis là, planté sur ma chaise à me soûler la gueule comme un con, à me remémorer des évènements qui ne se sont même jamais passés. A refaire seul l'histoire comme un pilier de comptoir en mal de compagnie. A ne pas savoir comment aborder une nana qui a déjà dû refroidir des centaines de mecs comme moi et qui a peut-être fricoté avec une minorité d'entre eux, en leur abandonnant son cul à défaut de leur laisser son cœur.
Je me dis souvent que je me pose trop de questions et envie ces potes qui peuvent sans cesse repartir à l'assaut, nullement échaudés par leurs échecs répétés. Je vous assure, c'est même pas une question de fierté, disons juste que je pense que, si les histoires d'amour finissent mal en général comme dirait l'autre, de manière tout aussi générale, elles commencent rarement mal. J'ai peut-être tort de ne pas vouloir me battre mais je me bats pour croire que j'ai raison.
On arrive à la fin de la chanson et je me rends compte que tout le monde a rejoint la piste de danse, s'abandonnant au rythme langoureux de la musique alors que je dois fatalement avoir l'air con, seul sur ma chaise. Alors que je m'apprête à mettre fin à ce supplice, je sens une main qui m'effleure, le contact de ces doigts fins me semble familier. Comment l'oublier ? Au moment de partir, sans même un regard, elle me glisse dans la poche un papier qui me laisse avec plus de questions que de réponses. Même si je ne comprends pas la raison de ce geste, je me dis que son numéro me permettra peut-être d'écrire la suite de cette histoire.
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