mardi 29 mars 2011

Je rêve de BiArriTZ en été



Sur la plage. Dans le sable. Je ressens des sensations.

Voila, les touristes ont abandonné la moiteur du mois d'août alors que septembre accueille déjà sa première horde de seniors, laissant aux seuls autochtones le plaisir d'observer ce dernier bal de visiteurs. Je suis sur une plage de Batz et le temps a définitivement quelque chose de breton. Le soleil darde timidement à travers la couche de nuages cotonneux qui tapissent le ciel alors que des gouttelettes de pluie s'échouent de temps en temps sur mes tempes.
L'air iodé qui arrive du front de mer ne dissipe que trop rarement la lourdeur de cette atmosphère de fin d'été. Je suis assis sur la digue et je ferme les yeux. Les rares fois où je les rouvre c'est pour observer ces vieux beaux qui s'agitent dans leurs slips de bains un peu ridicules, la peau craquelée par les assauts répétés des rayons du soleil.

Je me laisse doucement caresser par la brise maritime. Mon cœur et le temps sont à l'unisson, moroses, et rien ne peut m'empêcher de penser à toi. Surtout pas cette vieille topless, toute en pesanteur, qui me lance des regards à la dérobée. Les ravages du temps conjugués à ceux du soleil ont fripé à l'excès ce corps dont on peine à deviner qu'il a été un jour délicat et sucré. Les formes oblongues chères à Gainsbourg ont depuis longtemps laissé place à l'aigre amertume du temps. Il me semble toutefois que nous partageons, elle et moi, plus de points communs qu'on ne pourrait le penser. Du haut de mes 20 ans, je ne suis moi-même qu'une vieille fripée à l'intérieur. Si jeune et si amer.

Je me repasse en boucle le film de ces journées passées avec toi. L'immensité de l'océan qui se dresse devant moi faisant office d'écran plasma.
Longtemps avant d'avoir osé t'aborder, je t'avais remarquée. Cela devait faire une semaine que tu passais devant le bar où je servais cet été là, en front de mer. Chaque jour qui se terminait me semblait une journée passée en ta compagnie de perdue, une occasion en moins de te connaître. Et je redoutais qu'arrive ce jour où tu aurais disparu, déjà rentrée dans ta grisaille parisienne ou ta campagne provinciale. Maudissant mon manque de courage, je n'en savourais pas moins discrètement chacune de tes apparitions. Inutile de te dire que je n'ai durant cette période pas manqué à l'appel une seule fois, surmontant, non sans peine, mes gueules de bois les plus terribles.

Dans toute belle histoire, un évènement déclencheur permet aux choses de se décanter. A défaut de coup de pouce du destin, c'est mon pote Fergan qui a permis notre rencontre. Fergan c'était un doux dingue, un peu marginal, qui trainait dans le coin et dormait sous un porche, près de cette salle des fêtes dont la devanture me rappelait plus une église que le lieu de débauche qu'il devenait tous les jeudis soirs, alors que les jeunes du coin se mêlaient aux touristes d'un jour.
Quiconque marchait un peu dans les rues goudronnées de Batz était susceptible de croiser Fergan sur sa petite mobylette, un léger panache de fumée derrière lui. Un jour entre midi et deux, il s'était pointé avec ce qu'il appelait "le meilleur shit au monde". Me sentant obligé de faire honneur à mon compère et ne voulant surtout pas laisser deviner mon peu d'expérience en la matière, j'avais tiré quelques taffes, en hochant la tête, avec l'air de celui qui s'y connaît, validant ainsi son diagnostic.
Peu habitué aux substances cannabiques, j'étais tombé immédiatement dans une tiédeur délicieuse. J'avais l'impression d'être enveloppé de coton et protégé du monde extérieur. Un sentiment fort agréable à expérimenter mais pas forcément idéal lorsque l'on doit reprendre son service quelques minutes plus tard. Mais quoi qu'il arrive, le spectacle doit continuer.

A partir de là, mes souvenirs sont plutôt vagues et mes gestes mécaniques. Je me suis juste contenté de faire ce que je fais tous les jours, machinalement. Servir, encaisser, nettoyer, le triptyque du serveur. Sorti pour prendre l'air, pas loin d'être dans un état second, je t'avais interpellée, alors que tu passais une énième fois.

- Tu te décides enfin à t'arrêter ?, avais-je balancé sans même m'en rendre compte.
- Et toi tu te décides enfin à me parler ?, m'avais-tu répondu du tac au tac.

On a tous les deux ri. Cette première fois où je t'ai parlée, j'étais tellement subjugué par l'enthousiasme qui émanait de ces yeux bleus et brillants que j'écoutais à peine ce que tu disais. Tu avais dû t'en rendre compte car tu m'avais proposé de prolonger cette discussion plus tard dans la journée.
Suite à ce premier contact, une routine s'était installée entre nous. Tu arrivais aux alentours de 11 heures, discutais de la pluie et du beau temps avec moi. Je te retrouvais pour ma pause entre 13h et 14h. Tout était réglé comme du papier à musique. Tu m'avais présenté à tes amies bordelaises, je t'avais présentée à mes amis bretons. On se retrouvait de plus en plus souvent, sans pour autant aller plus loin que cette amitié naissante. Manque d'intérêt de ta part, manque de courage de la mienne ? J'avais beau me triturer le cerveau pour identifier la solution à cette équation amoureuse, je n'avançais pas... et craignais qu'on atteigne ce point de non retour au-delà duquel les amis ne pourront jamais devenir amants.

Un jour, surpris par une de ces bruîmes dont la Bretagne a le secret, on s'était réfugié dans une crêperie où l'on se retrouvait de temps en temps. Loïc le patron volubile du Barapom' nous avait accueilli d'un "Salut les tourtereaux !" qui se voulait sans doute plein de bonnes intentions mais qui avait eu pour seul effet de me faire rougir jusqu'aux oreilles. J'avais vainement tenté de cacher sous ma capuche cette gêne mais je ne crois pas que tu aies été dupe. Ce soir là d'ailleurs, alors qu'on parlait des films de Christophe Honoré, tu m'avais fredonné à l'oreille ces paroles d'Erwann, le breton à l'orientation sexuelle floue des Chansons d'Amour : "Je suis beau, jeune et Breton. Je sens la pluie, l'océan et les crêpes au citron".
J'avais pas trop su comment interpréter ces paroles mais je peux t'assurer qu'à partir de cet instant, j'étais résolu à te percer à jour, me raccrochant au moindre regard équivoque ou sourire éloquent. C'était tout toi ça, tu avais le don de me faire passer du plus profond désespoir au bonheur ultime, en un geste, un sourire. Mes perpétuels changements d'humeurs, soumis aux aléas de ton attitude, me faisaient agir comme le type bipolaire que je n'aurais jamais cru devenir. Alors que tu soufflais sans cesse le chaud et le froid, j'avais de plus en plus de mal à grimper ces montagnes russes qu'était devenu pour moi notre relation. J'avais l'impression de vivre dans un solo de Led Zep', genre "Since I've been lovin' you", balloté le long du manche de la guitare, au gré des accords de Jimmy Page. Les désillusions laissaient place à la joie, l'amertume à l'optimisme et ainsi de suite. Bien sûr que tout ça ne nous empêchait pas de nous amuser mais ça ne m'empêchait pas de cogiter non plus, au contraire.

Si je devais ne retenir qu'une chose de toi, garder pour moi cette madeleine de Proust que j'aurais le loisir de croquer à pleines dents, les soirs de nostalgie comme celui-ci, ce serait cette odeur si particulière qui émanait de toi ce soir là en bord de mer, mélange de crème solaire Clarins, d'un flacon de Shalimar que tu avais du piquer ta mère et de ta peau salée.
Alors que le soleil venait d'embrasser la ligne de l'horizon et que ses teintes rouges orangées se réverbéraient dans l'Océan Atlantique, on avait décidé de quitter la soirée de la salle des fêtes avant la fin des hostilités. Après avoir déambulé dans une ruelle bordée de maisonnettes aux toits d'ardoises et volets bleus, on s'était retrouvé sur une de ces plages un brin escarpées comme on en trouve plein dans le coin.
L'eau jusqu'aux genoux, on s'amusait à s'éclabousser, à se pousser, à s'attraper et même se caresser, dans une sorte de jeu qui, sans la tension sexuelle qui l'habitait, aurait pu tout à fait être une publicité Petit Bateau. On longeait la limite des eaux, s'amusant de temps à autre à faire un pas de côté pour éviter une vague un peu plus forte. On faisait comme si l'autre ne savait pas pertinemment la raison de sa présence et l'issue de ce petit jeu. Au moins le caractère enfantin de cette activité permettait-il de réduire la pression inhérente à tout premier véritable rencart amoureux.
C'est tout naturellement que l'on s'était dirigé vers un de ses cabanons situé en bordure des plages et qui abritent les touristes à la recherche d'un coin d'ombre et d'un peu de tranquillité. Grisé par l'alcool et surtout ta présence, je n'avais eu aucun mal à forcer la porte en bois... Glissant péniblement entre une chaise longue et des jouets de plages, j'avais attrapé un matelas et l'avais étendu à même le sol. Dans ce cocon minimaliste et spartiate, je me répétais que je ne pouvais pas être mieux.
Malgré l'ardeur de nos étreintes amoureuses, on n'avait pas été au delà. Je ne me l'explique toujours pas. Je sais pas si c'était parce que j'étais trop bourré (version racontée à mes potes le lendemain) ou parce que j'avais trop attendu ce moment pour pouvoir finalement passer à l'acte, comme un type subitement inhibé alors que son fantasme devient réalité (version sans doute plus proche de la réalité). Toujours est-il que tu en avais déduit que j'étais un gars bien et que je n'avais pas jugé utile de te contredire, maudissant malgré tout ma passivité.
Sentant sans doute mon désarroi, tu m'avais dit que ce n'était pas grave, que c'était presque mieux comme ça et m'avais pris dans tes bras, dans un soupir presque maternel. Dans un dernier effort, j'avais laissé glisser mes doigts dans ta chevelure brune, jouant comme un gosse avec ta queue de cheval, avant de sombrer définitivement dans un sommeil tranquille.

Je n'ai jamais été doué pour gérer les lendemains. Dans le meilleur des cas je fais comme s'il ne s'était rien passé, dans le pire, je suis tellement gêné que je m'éclipse avant l'aube. Là, je n'avais pas trop eu le choix vu que je devais te ramener à tes amies. Je sais pas si tu attendais de moi le moindre baiser mais tu as dû te contenter d'un sourire vaguement embarrassé, d'une caresse sur tes joues rosées.
Aujourd'hui, dans un dernier élan de lucidité, je me dis que tu devais bien en attendre plus. Mais tout ça je ne le saurai jamais car lorsque je t'ai déposée sur ce parking, tu m'as dis à ce soir mais je ne t'ai jamais revue. Sans doute avais-tu décidé qu'il était temps que tu retournes à ta grisaille parisienne ou à ta campagne provinciale.

Sur la plage. Dans le sable. Je recherche des sensations.

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La femme, le groupe bien nommé, est mon petit plaisir du moment. Ils sortent d'une tournée aux States et produisent d'après leur myspace un musique tropicale aux confins de la new wave et du surf. Ils sont apparemment originaires de Biarritz (riprizent). Je les avais vus à l'époque du Roxy Jam de Biarritz en 2010, la compet' de longboard chez les nanas. C'était un peu foutraque mais leur seule énergie avait réussi à éclipser la prestation convenue de Micky Green et celle carrément exaspérante des Plasticines.
La voix cristalline et presque enfantine de la chanteuse se pose parfaitement sur les riffs de guitares. Les synthés sont eux imprégnés de ce mood surf music si excitant. Inutile de dire que j'attends l'album avec impatience.



Et pour le plaisir et parce qu'elle parle du pays, la chanson de l'inénarrable Sébastien Tellier, Je rêve de Biarritz en été.

mardi 15 mars 2011

Kate Moss : la brindille qui ne rompt jamais


Quoi de mieux qu'une belle journée ensoleillée pour inaugurer mon premier billet "mode" ? Bon, je vous rassure tout de suite je vais pas essayer de faire ce qu'une Garance Doré ou une Betty ferait sans doute mieux que moi. Je vais pas me la jouer "bureau des tendances" à dire que la toute nouvelle campagne de Kate Moss pour Longchamp préfigure le retour en force du sac oversize ou que les teintes nude seront encore au goût du jour. Je suis sympa je laisse ce plaisir aux blogueuses modes.
Et puis quoi de mieux que la it girl absolue pour inaugurer cette rubrique ? Chloé Sevigny ? Trop underground. Lindsey Lohan ? Trop cheap. Alexa Chung ? Elle sort avec le boutonneux des Arctic Monkeys faut pas déconner. Non la seule et l'unique, celle dont la capacité à résister aux dégâts du temps réussirait à soutirer une grimace aux visages inexpressifs et botoxés des rombières de la jet set, c'est Kate Moss of course. Une Kate Moss resplendissante qui présente sa nouvelle collection Faraway - Printemps 2011 pour Longchamp dans un clip vidéo qui fleure bon l'été.
Résumons. Déjà, on y voit une Kate plus bohémienne que jamais, avec juste ce qu’il faut de khôl pour dessiner un regard qui ferait tomber n'importe quel mec normalement constitué et une frange qu’elle dit couper elle-même (oui la vie est injuste, la nana se coupe les cheveux elle-même et en ressort avec une classe terrible). Elle me rappelle un peu la Bardot à la belle époque, elle se déhanche en jouant des timbales sur le magnifique « Sand » de Nancy Sinatra et Lee Hazlewood (merci Shazam, j'avoue avoir séché sur le coup) dans une ambiance très 60's, un brin mélancolique. Une ambiance à laquelle le recours à la caméra super 8 n'est sans doute pas étranger. En ce moment d'ailleurs, il faut avouer que le procédé est ressorti à toutes les sauces, à tel point que ça en devient un manque flagrant d'originalité. En même temps c'est compréhensible, qui cracherait sur ce grain d'image qui a le pouvoir de faire passer les vacances des Bidochons au Touquet pour du Cassavetes ?
Ceci étant,  revenons-en un peu au clip. Elle lit l’autobiographie de Keith Richards parce que c’est quand même une icone rock’n roll qui est sortie avec Pete Doherty  mais en même temps elle pèle aussi une orange, peut-être pour nous faire oublier qu’à un moment elle n'avait pas non plus la meilleure hygiène de vie qui soit. Ce qui me frappe, c'est qu'elle a l’air plus épanouie que jamais et là je vais faire ma fleur bleue mais je me dis que ce n'est sans doute pas un hasard si elle se marie bientôt avec Jamie Hince le guitariste des Kills. Au passage, notons que le mec  est quand même une rock star qui côtoie quotidiennement Alisson Mosshart et va épouser Kate Moss. Le beurre, l'argent du beurre et le sourire de Kate Moss donc. L'enfoiré.
C'est clair que la brindille a le vent en poupe en ce moment. Après avoir été l’égérie de Calvin Klein, d’Isabelle Marant, d’Yves Saint Laurent et de Longchamp donc, elle est même depuis peu la muse du nouveau rouge à lèvres Dior Addict. Pas mal pour une nana que l'on disait finie en 2005, non ? Car ce qui fait la superbe de Kate Moss, c'est cette capacité à sans cesse renaître de ses cendres. Tout le contraire de ses collègues mannequins du début des 90's qui elles tombent dans le sordide et les scandales (Naomi Campbell et ses assistantes martyrisées, Naomi Campbell et son diamant offert par le dictateur Charles Taylor) quand ce n’est pas dans l’anonymat total (Allo Cindy Crawford ???).
Pour remettre les choses en perspective, il faut se rappeler que 2005 coïncide avec l'épisode Cocaïne Kate. Après avoir fait la une des tabloïds, le nez allègrement trempé dans la poudre, nombreux étaient ceux qui ne donnaient pas cher de sa petite peau. A raison d'ailleurs car les contrats lui étaient retirés en moins de temps qu'il n'en faut à Charlie Sheen pour dire une connerie.
Du côté de chez Longchamp c'était pas non plus la joie, la marque était alors considérée comme une maison très (trop) classique, bien loin des courants de la mode. Du coup, une idée germe dans l'esprit des têtes pensantes du maroquinier de luxe. Evidemment, le choix d'une Kate Moss empêtrée dans ses scandales n’est pas anodin pour Longchamp qui entame un virage à 180°. En demandant au top anglais de devenir son égérie, Longchamp passe du rang de maison sage et lisse à celui de marque rock’n’roll.
Beau mariage  donc, entre une marque qui fût un temps au sommet du chiquissime et une nana passée  du statut d'icône de la hype aux  affres du rock'n roll lifestyle. A chacun sa rédemption comme on dit. Quoi qu'il en soit, la collaboration fonctionne puisqu'elle dure depuis maintenant 5 ans avec en point d'orgue le lancement d'une gamme de sac dessinés par Kate. Le tout en suivant un raisonnement très simple : qui mieux que la it-girl des années 2000 pour dessiner cet it bag tant désiré par Longchamp ? Sans même juger de la qualité de la collection, une chose est sûre, en termes de notoriété comme de hype chaque partie semble y avoir trouvé son compte...

Force est de constater que la brindille est décidément plus solide qu'elle n'y paraît.