Il est des moments que l'on redoute autant qu'on les attend. Aux premiers rangs de ceux-là figure cet instant fatidique où l'on se désape pour la première fois de l'année en bord de mer, ce moment où tous les excès des derniers mois se cristallisent en une phrase : "Ah ouais tu t'es un peu laissé quand même non ?" On a beau être préparé à une telle éventualité, la remarque fait toujours aussi mal ; à tel point qu'on est fermement résolu, une fois la parenthèse estivale refermée, à renouer avec une vie d'ascète. Pourtant, ce genre de résolutions a ceci de spécial qu'elle ne dure que le temps de les prononcer. Les mois passent mais rien n'a été encore fait.
Me voilà donc, une année de plus, à trainer ma carcasse mal guindée sur les plages de Seignosse mais cette année je m'en fous. J'ai décidé de tout prendre avec le détachement d'un moine bouddhiste dans un strip club. Rien ne m'affecte. Et puis il faut dire que c'est quand même cool l'été, c'est le seul moment où tu peux lire les Vogue et Cosmo de tes potes filles sans aucun complexe. L'été, c'est ces bouteilles de bières que tu enfonces dans le sable, la peau rougie par le soleil, le maillot rempli de sel et de sable qui te colle à la peau alors que tu remontes péniblement une route goudronnée, l'asphalte chauffé par les rayons du soleil qui crisse sous ces tongs dont la lanière vient se frotter entre ton index et ton pouce endolori. Autant de petites désagréments que l'on aime bien endurer, notre coté maso sans doute.
L'été, c'est aussi pour moi cette grande machine à laver qu'est le spot de Seignosse, lorsque tu te jettes dans les vagues et que tu te fous de la gueule que tu auras en sortant du rouleau, déjà bien content d'en sortir vivant. C'est bien sûr les lunettes de soleil que tu rehausses à l'approche des jolies filles dont tu apprécies, en toute discrétion, les charmes estivaux.
On a rejoint une fête organisée par la marque Roxy pour célébrer la fin d'une compet' de filles. Inutile de préciser que tout ce que la ville compte de surfers et surfeuses, musicien et musiciennes, se soûle tranquillement au soleil. En attendant mon pote Christian parti en mission alcool, je tape des textos que je supprime aussitôt, le but n'étant pas tant d'envoyer des messages à quelqu'un en particulier que de m'occuper l'esprit ou, tout du moins, d'avoir l'air occupé. Je suis pas fan de ce genre de réunion où chacun s'efforce de butiner de groupe en groupe, une coupe de champagne à la main, les mecs essayant d'essaimer des idées coquines dans l'esprit et les jupes des filles, celles-ci s'efforçant de ne rien laisser paraître pour ne pas passer pour des proies faciles.
Il faut dire que mon manque d'assurance et mon taux d'alcoolémie généralement important font que j'ai toujours un peu de mal à sortir de ce lot de testostérone, au contraire de mon pote Christian qui, peu importe le lieu et les circonstances, se tient toujours à mes côtés, l'oeil vif, aiguisé sur la moindre fille potable et l'autre vigilant, pointé vers le bar. Alors qu'il me montre d'un signe de la tête, deux jeunes filles, deux pâquerettes qui ne demandent qu'à être cueillies, selon ses propres mots, mon attention est troublée par une fille placée à la droite de Dieu, un connard de DJ en Ray Ban qui gesticule dans tous les sens en passant du Creedence.
Le truc fou chez cette fille, c'est qu'elle est une attitude plus qu'un visage. Un peu comme cette fille dont on rêve toute une nuit durant et dont le souvenir nous glisse entre les doigts au réveil, si proche et si lointain à la fois. On a l'impression d'avoir partagé quelque chose d'unique avec elle sans être pour autant capable de mettre ne serait-ce qu'un visage sur cette silhouette. Ma surfeuse, car une fois mon regard posé sur ces fines épaules, elle était mienne, est tout à fait de ce genre. J'ai beau y mettre toute ma bonne volonté, mon esprit peine à dessiner un visage sur cette silhouette musclée comme il faut. A défaut de regard, de nez ou de sourire, tout ce qui m'apparait, c'est une casquette rose de skater qui vient coiffer de long cheveux décolorés par le sel de l'eau et un petit short en jean qui, lui, épouse merveilleusement les courbes de cette silhouette sportive. Définitivement, le genre de fille qui peut être à la fois ta copine et ta petite copine. Si seulement c'est encore possible de nos jours.
Toujours est-il que je nous aurais bien vu partir là, sur le moment, genre en stand up paddle, pour être raccord avec l'ambiance surfer du moment, alors que comme dans les films, une musique aurait accompagné notre fuite. Si on m'avait demandé mon avis, je pense que j'aurais opté pour « You and I » de Washed Out. Tout est dans le titre déjà... Et puis je voyais bien les coups de pagaies en synchro avec le beat de la chanson. Où on aurait été ? On s'en fout non ? C'est qu'un rêve après tout. Déjà qu'on se fait chier à s'imposer des barrières dans la vie réelle, on ne va pas non plus restreindre notre imagination. Je vous le dis, je suis le Martin Luther King de l'amour et mon rêve à moi, il est hier, aujourd'hui et demain. Sans limite.
Alors que, dans mon élan, je suis pas loin de couper la musique et d'haranguer la foule et avec elle, mon inconnue, Christian, qui a toujours un coup d'avance sur tout le monde, me gratifie d'une grande tape sur l'épaule et me demande si Alana Blanchard est à mon goût. Alors qu'il commence à me raconter les exploits de cette surfeuse américaine, le charme de l'inconnu déjà rompu, je la regarde une dernière fois, ferme les yeux et bois une ultime gorgée, en me disant qu'à tout prendre, mieux vaut rêver éveillé.
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Pour ceux qui veulent voir Alana Blanchard enchaîner les bottom turn et rollers (en petite tenue tant qu'à faire hein), c'est ici.
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