jeudi 5 avril 2012

La tête qui tourne... pas rond




Debout près de son lit, vêtue d'une nuisette bleu nuit, la main sur le commutateur, elle s'apprête à plonger la chambre dans l'obscurité quand soudain, elle se ravise et, ouvrant le tiroir de sa table de nuit, en sort un petit calepin noir, le genre de carnets intimes sur lesquels on griffonne quelques bouts de son quotidien, le soir venu. Plusieurs de ses notes au crayon sont presque illisibles alors que d'autres se référant à des après-midis ou des nuits depuis longtemps oubliées lui paraissent carrément étrangères. Mais tandis qu'elle passe son pouce sur les pages, les yeux de beaucoup d'hommes semblent la regarder, du fond de leurs noms à moitié effacés. Benjamin, son premier émoi adolescent, qu'elle avait embrassé à la faveur d'un cours de sport derrière le gymnase… Virgile, dont elle aimait revêtir les chemises au petit-matin, juste pour pouvoir respirer les effluves de son parfum Abercrombie ou même Antoine qui l'avait abordée en lui disant que son nez épaté et sa masse sombre de cheveux lui rappelait la chanteuse de Marina and the Diamonds… Un compliment maladroit qui l'avait faite glousser un peu bêtement. Mais comme tous les autres, Antoine n'est plus qu'un vague souvenir et son visage semble s'être dilué dans les shots de Ketel One qui ont émaillé ces derniers mois, entre soirées lunaires et gueules de bois apocalyptiques. Elle a aujourd'hui l'impression que sa vie sentimentale s'enchevêtre dans un Rubik's Cube dont elle n'aurait pas la clé, incapable qu'elle est d'associer les cases entre elles pour tirer ne serait-ce que le vrai du faux. Et les pages noircies fébrilement, ces derniers jours, lui rappellent que c'est quand on est malheureux que l'on a quelque chose à raconter... Que l'on ne peut pas noyer son chagrin dans la cyprine et les rencontres d'un soir.

Elle n'a jamais été ce genre de control freak que tu croises parfois, le genre de nana capable de te planter le caleçon sur les chevilles parce qu'elle a peur de bousiller son cycle en ne prenant pas sa pilule à la même heure chaque soir. Non. Toutefois elle reconnait qu'elle s'est quand même largement laissée aller ses derniers jours, même si en fille pudique, elle préfère vous épargner les détails de cette introspection nocturne. Et puis, elle est trop occupée à ce demander ce que le jeune homme qui ronfle allègrement à côté d'elle penserait de tout ça. Elle en vient à la conclusion qu'elle ferait mieux de récupérer la culotte qu'elle a jetée dans l'euphorie du moment et de prendre ses jambes à ses coups. Mais comme elle a déjà la tête qui tourne, elle se contente d'éteindre la lumière...



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