mercredi 30 novembre 2011

Le Connard enchaîné

Serial Photo-chopeur
“My soul you can have it cause it don’t mean shit". Je me la joue pseudo rebelle en fredonnant du Kasabian et en sirotant mon Lagavulin 16 ans d'âge parce que j'ai une barbe de trois jours et que j'ai gardé un peu d'affection pour Sergio Pizzorno. Et ce bien qu'il soit en pleine déliquescence capillaire et se mue progressivement en un ersatz cockney de Patou Eudeline. Et puis un peu aussi parce que la déchéance du type qui n'arrive pas à refermer la parenthèse dorée des années 2000 s'efface derrière le souvenir de toutes ses parties de PES 5 rythmées au son de "Club Foot".

Bon, je suis pas là pour vous parler métaphysique rock'n roll mais je dois bien avouer que je me sens un peu chafouin à ce stade de la soirée, une fois passée l'incertitude de ne pas rentrer seul, vu que deux ou trois filles potables, et pas forcément célibataires, ont été ferrées avec soin, à la faveur de quelques regards allumeurs, discussions complices et mains baladeuses. Et malgré tout, ou plutôt grâce à ça, avant de sortir par la grande porte de l'amour d'un soir, je me sens d'humeur à exécuter quelques ultimes acrobaties, gratuites et sans risques ; du coup complètement enivrantes. Et puis, l'envie de mettre un dernier tacle à cette Suédoise tout en jambes qui est l'épicentre de la soirée, me hante depuis le premier verre éclusé. Trop sûre d'elle, trop belle, trop évidente. En bref, insupportable pour le justicier que je suis, déterminé à distribuer les bons points de l'érotisme selon mon bon vouloir. Et que dire de l'accent traînant des pays nordiques qu'elle exhibe alors qu'elle interpelle tous les mecs de la soirée en leur demandant : "Tu me trouves bonne ?", feignant de ne pas vraiment saisir le sens de ce qu'elle demande. Sans parler du gloussement qui suit cette rhétorique socratique version blonde. Et alors qu'elle s'avance pour me saluer, je m'éloigne vers le bar en proie à une soif aussi soudaine que calculée, avant de revenir parler à la fille qui l'accompagne. Et c'est parti pour une discussion les yeux dans les yeux avec son acolyte, en prenant bien soin de ne pas jeter un seul regard à la classe mannequin. Ce soir, je n'ai même pas envie de lui faire remarquer que sa robe est horrible, que dans ce genre de soirée, le dos nu fait plus pute que BCBG. Non, je préfère encore lui infliger la douleur plus vicieuse de l'invisibilité et je suis tellement doué à ce jeu, que je pourrais presque choper mes verres en passant le bras à travers elle. Et puis, la musique commence à s'animer et nous dansons en petit groupe, une dizaine, puis pas plus de cinq, puis juste sa pote et nous, enfin elle et moi, et sans doute se dit-elle qu'elle va enfin observer ce regard lubrique qu'elle a l'habitude de voir s'allumer chez les hommes et que peut-être, je vais pousser le vice jusqu'à l'attraper par les hanches et oser me frotter contre elle. C'est sans compter sur cette pote d'école, en proie à une légère surcharge pondérale et une grosse montée d'alcool, mais qui a le mérite de passer près de nous au bon moment et sur qui je saute avec un enthousiasme complètement exagéré.

Une fois la soirée de la blondasse gâchée donc, je m'attèle à rendre épouvantable la nuit de cette grande brune qui me résiste depuis trop longtemps et qui à vrai dire, est la seule qui en vaille vraiment la peine ce soir. Elle a changé, pas complètement bien sûr. Quelque chose d'un peu plus triste qu'avant dans le fond de l'iris, ce genre de truc à peine perceptible qui fait qu'elle n'est plus vraiment la même. L'expérience ou la désillusion, difficile à dire. Je vous parle de Clarisse qui dans son chemisier blanc et son pantalon liberty a conservé cette cambrure super féminine qui l'avait érigée si haut dans la hiérarchie des filles de l'école. Le genre de nana que tout le monde idolâtrait  et qui avait le chic pour se rendre inaccessible comme peuvent d'ailleurs en témoigner les différents échecs essuyés par votre serviteur. Et pourtant, ce soir les années de célibat couplées à la perspective croissante de ne finalement pas rencontrer le mec idéal ont peut-être névrosé Clarisse jusqu'au creux de sa chute de rein enivrante. Fragile et indépendante, aussi paumée que la Patricia d'A bout de souffle, elle paraît toujours plus sur le fil du rasoir, trop obnubilée par le mec parfait pour pouvoir s'intéresser à ceux qui l'entourent et repliée du coup dans une solitude aseptisée. Et si j'avais une once de cœur, je m'émouvrais de tout ce spleen mais j'ai encore en tête cet open bar au cours duquel ses yeux gris-vert m'avaient éclaboussé de dédain alors que je tentais, presque par habitude, une nouvelle approche.

"Nous sommes dans des dynamiques différentes", me répond-t-elle. Et c'est le moins qu'on puisse dire vu que je cherche à la baiser depuis 5 ans déjà et qu'elle ne pense qu'à se caser. Et pourtant ce soir, elle a rarement refusé mes invitations à danser et même si j'ai du mal à sentir le vent tourner, ses yeux n'en brillent pas moins d'avantage chaque fois qu'on se croise. Et si je prends un malin plaisir à discuter avec elle comme si rien d'autre n'importait, le temps d'une chanson, ce n'est que pour mieux l'abandonner, la suivante lancée. Car je sais que me voir à quelques mètres d'elle, riant bêtement, mes mains posées sur les cuisses d'une inconnue, suffit largement à empoisonner sa soirée. Et pour cause, elle se tire sans un mot.

Enfin, pas peu fier de mon effet, je m'apprête à quitter ce beau petit monde au bras d'une nana cheveux châtains virant auburn, cul sublime et grain de beauté au coin de la bouche. Ne me reste plus qu'à récupérer mon caban pour survivre à l'enfer glacé de l'hiver parisien. Mais au moment d'entrer dans la chambre où tout le monde a déposé ses affaires, je ne peux m'empêcher de marquer une hésitation alors que je vois mon manteau et le sien, avachis sur un fauteuil, main dans la main, emmêlés avec une familiarité soudaine, une lascivité et une évidence qui me semblent n'avoir qu'une signification... Et je me dis que si dans sa précipitation, Clarisse a oublié son manteau, ce soir j'ai moi même oublié d'arrêter d'être con.




3 commentaires:

  1. pas mal le style branleur flamboyant, mais le malgré que du début, impardonnable

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  2. Impardonnable, t'y vas un peu fort quand même haha. Mais tu as raison, c'est moche et pas très correct, j'ai changé.

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  3. oui c'est un peu fort, mais les lecteurs deviennent ingrats quand on place la barre si haut :) keep it up xx

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