mercredi 12 octobre 2011

Pour une poignée d'amour



Je suis allongé et je sais où je suis… Et c'est déjà un miracle. L'haleine chaude de la rue gonfle le rideau de la chambre et vient caresser langoureusement le bas de ma nuque. Il est 14 heures et le soleil qui déchire la pièce de manière presque aveuglante nous rappelle à la réalité alors que toute une vie s'affaire au dehors, depuis un moment. Je lui propose un verre mais elle me dit qu'une vraie femme peut boire au goulot alors je lui passe la bouteille de Jack et je vois sa gorge se nouer lorsque le liquide traverse sa glotte. Elle ne peut s'empêcher d'esquisser une légère grimace qu'elle réprime alors qu'elle gobe son cachet de Xanax. Elle me dit de ne pas m'inquiéter. J'allume un clope que je lui tends, une fois mon bras passée sous sa masse de cheveux bouclés à la couleur indéfinissable. J'attire ce visage aux yeux de chats vers ma poitrine dans un ronronnement de plaisir et je la regarde droit dans les yeux pour lui faire comprendre qu'aujourd'hui ce n'est qu'elle et moi.  L'avantage avec elle c'est qu'on ne s'embête pas à entamer des préambules interminables ou à ponctuer le sexe de paroles dénuées de tout sens, juste parce que les silences sont trop lourds. Non, on se fait plutôt les partisans d'un amour aussi minimaliste que la déco de cette chambre dont le seul meuble est la table basse en cerisier, d'un designer japonais coté à ce qu'elle m'a dit un jour, et qui sert à la fois de bar et de table de chevet. On trinque à ça, sans un mot et sans lever le coude.

Se dégageant de mon étreinte, elle se lève et se dirige vers l'enceinte située dans un coin. Elle pianote nerveusement sur son IPod et arrête son choix sur un morceau qu'elle écoute en boucle depuis qu'elle a vu le film de Nicolas Winding Refn, Drive. Elle commence à enchainer les poses lascives en minaudant sur "A real Hero" de College. Je me fends d'un sourire alors elle me pique mes lunettes et commence à me mimer, vêtue de ma seule chemise, baignée dans la lumière blanche de ce début de journée qui n'en est pas un. A une chemise à carreau près, on pourrait se croire dans un de ces shoots du journal de Terry Richardson où Terry et son modèle échangent leurs fringues. Elle a les pieds sales et les cheveux ébouriffés comme une Manon des sources qui auraient un peu trop trainé ses fripes sur les trottoirs parisiens  mais n'en est pas moins belle pour autant. C'est d'ailleurs ce qui l'a rend si terriblement excitante, le peu d'intérêt qu'elle porte à son apparence extérieure et puis, elle ne porte pas de culotte et me laisse admirer son pubis rasé de près. Un sexe de jeune fille qui me met l'espace de quelques instants mal à l'aise. Le temps de planter mon regard sur ces lèvres fermes que seules des années de pratique ont pu pétrir… Me voilà soulagé.

Elle glousse, se contorsionne et rabat ses cheveux vers son épaule gauche, son sourire s'évapore dans une moue badine. Elle danse autour de mon envie et mon sang ne fait qu'un tour, affluant massivement vers le bas de mon corps. Elle le remarque et en profite pour revenir à la charge, se faufilant à travers les draps, effleurant volontiers mon entrejambe avec son bassin. Je l'attrape fermement par des hanches pour lesquelles je perdrais mon âme si ce n'était déjà fait et je la plaque contre moi, essayant de presser mes lèvres contre les siennes, en vain. Il semblerait que son plaisir soit de résister au mien, comme pour me faire comprendre qu'ici, c'est elle qui décide. Docile, je bats en retraite et me console en me rappelant qu'on a fait l’amour toute la nuit. Une nuit irréelle tellement nos corps transpiraient l’évidence, à l'unisson d'une discussion qui n'avait pour langage que celui de nos gestes. Une nuit comme elle seule peut m'en offrir.

Je lui demande si cela ne la fatigue pas de jouer en permanence un rôle. Elle me répond qu'on s'épuise plus à aimer qu'à faire semblant d'aimer et puis, elle a passé l'âge de s'enthousiasmer pour un baiser à la dérobée ou un garçon rencontré dans un bar… Elle ne veut pas non plus s'attacher, elle préfère le charme de rencontres éphémères à la monotonie des relations longues durées où on fait l'amour (passé un certain stade on ne dit plus baiser) comme on remplit ses formulaires administratifs, de manière régulière mais trop épisodique, une fois par semaine, lorsque les enfants sont couchés ou que Masterchef vient de se terminer. Elle se contente d'offrir sa beauté méprisante à qui sait la récompenser à sa juste valeur. Elle n'est pas romantique, juste un physique prometteur qui traverse la nuit d'un jeune homme, d'un père de famille ou même d'un grand père, le temps d'une nuit, d'une étreinte, d'un souffle. Elle préfère disparaître au petit matin avant de ne pouvoir susciter que de l'indifférence, elle n'a pas le temps de s'encombrer de petits déjeuners partagés sur le lit et puis elle n'a pas envie d'entendre les "Qu'est-ce qu'on mange ?", "Les gosses sont couchés ?" ou autres "Dis-tu m'aimes ?". Elle ajoute qu'elle ne veut plus m'entendre tout court.

Ne sachant pas trop quoi répondre à tout ça, je me contente de fixer consciencieusement le plafond comme type qui sait s'asseoir sur un lit, sans un mot, en me demandant tout ce que cela cache.  Et puis elle me dit qu'il est temps d'y aller alors j'engloutis une dernière rasade de whisky, j'enfile mes fringues et je laisse 500 euros sur sa table basse. A la semaine prochaine.

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Oui je sais, vous en avez marre de tous vos potes qui postent Kavinsky, College ou Desire sur leur wall Facebook, depuis une semaine. On s'en fout non en fait ?


4 commentaires:

  1. Va falloir développer car là je comprends pas !

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  2. 500 balles ca fait un peu trop "jeunesse dorée" "je suis riche" tout ca tout ca. 50 balles aurait été il me semble plus fluide..
    sinon ras, bon boulot!

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  3. Ah ouais, je me suis posé la question figure toi. Après, ça va vite quoi, la passe à Panam avoisine les 50 balles (Brain avait fait un papier assez exhaustif sur le sujet d'ailleurs http://bit.ly/pkwr6T)donc je me suis dit 500 balles pour toute une nuit ça peut être "honnête". Et puis, j'avais envie d'être riche dans cette histoire haha

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