lundi 28 février 2011

Voyage au bout de l'ennui


C'était une soirée pas terrible. Une soirée qui si elle ne s'annonçait pas vraiment mal, ne laissait pas pour autant présager grand-chose de bien. En bref, ce genre de soirée au cours de laquelle tu te demandes sans cesse ce que tu peux bien foutre là, spectateur d'un film dans lequel tu as arrêté de jouer depuis longtemps.

J'étais tranquillement accoudé au bar, sirotant un énième cognac / canada dry et tentant sans succès d'établir un semblant de connexion visuelle avec une brune assise dans un box à 50 mètres de moi.  Le pote avec qui j'étais venu n'était lui plus des nôtres depuis longtemps, affalé qu'il était sur un de ces canapés en simili cuir que l'on retrouve dans ce genre de boites un peu cheap, en symbiose avec sa bave rendue laiteuse par l'abus de Pina Colada. En le voyant comme ça, si apaisé dans ce vacarme sonore, je me dis que ce type est impayable. Je le revois quelques heures plus tôt planté devant ma porte, son éternel sourire de con sur les lèvres lorsqu'il m'aperçoit rentrant péniblement du boulot. Parfois quand je sors avec lui, j'ai l'impression de me retrouver dans une de ces scènes du "Bright Lights, Bright City" de McInerney lorsque le narrateur se désespère de sortir avec son double maléfique, Tad Allagash.
Bon, mon Tad Allagash à moi, il est un peu plus cheap c'est sûr. C'est clair que ses plans à lui, loin de me faire miroiter des rails de coke sniffés avec des mannequins toutes plus sublimes les unes que les autres, me font le plus souvent atterrir dans la moiteur crasse des ces boîtes de nuits où finissent ceux qui n'on rien d'autre à faire ou nulle part d'autre où aller. Des boîtes de nuits où la musique s'emble s'être arrêtée à la fin des années 90, où l'entrée te donne droit à une coupe de mousseux ou un peu de bière éventée et qui ont souvent un nom dans le genre "La Maison Blanche", "La grande Maison"... Bref, pas le genre d'endroit où tu espères rencontrer la fille de ta vie.

Pour m'occuper j'essaye d'imaginer les discussions entre chaque table. Il y a d'abord ce couple qui semble se disputer au sujet de l'infidélité supposée de l'un d'entre eux. Le mec ; à en croire le visage déformé par la colère de la fille. Il y a aussi cette tablée de types passablement éméchés. Le tintement des bouteilles de vodka qui s'entrechoquent rivalise avec les sons rigolards qu'émettent certains d'entre eux. Et puis il y a moi, seul et accoudé au bar. Je bois et j'observe les volutes de fumée bleu qui s'échappent de la scène et atterrissent mollement sur les néons rouges du bar, conférant à l'ensemble un panorama qui sierait bien à l'enfer.

Une fille m'accoste. Cheveux très courts et peroxydés à la Agyness Deyn. Elle porte une salopette qu'elle a du piquer à Tom Sawyer et des Docks Martens. J'aime bien son style garçonne. J'entame la discussion en lui disant qu'en général je n'aime pas les filles aux cheveux courts mais que là, je ne peux que m'incliner devant la perfection de ses traits. Elle sourit. Je sais pas si elle se fout de la gueule de mon baratin ou apprécie l'hommage. Lorsqu'elle me demande si je sors toujours ce genre de compliments mièvres, je suis fixé.
J'entre dans sa provoc' en disant que non, en général je joue le rôle du connard et que ça marche parce qu'au fond elles aiment toute ça, non ? Cette fois le sourire me semble un peu plus crispé. Sans même que j'ai le temps de réaliser, elle me balance son verre et me traite de pauvre connard. Dommage, je sentais qu'on avait un truc.

Impassible, je ne fais même pas l'effort de me nettoyer et affiche sereinement tout ce qu'il peut me rester de dignité. De toute manière dans ce bordel ambiant, je ne pense pas que quiconque aie réalisé le mélodrame qui se jouait sous leurs yeux. En tout cas certainement pas mon pote dont le cas commence à m'inquiéter légèrement. Je vide mon verre d'un trait et vais le voir. Un peu écœuré par le souffle éthylique qui me rebat les temps alors que je m'approche de son visage, je lui mets des légères claques et essaye de le secouer pour le réveiller. Mon endormi daigne enfin sortir de son somme, non sans avoir émis au préalable quelques grognements vindicatifs. Je le prends sous le bras et nous nous dirigeons vers la sortie. Je ne peux réfréner le spasme qui me saisit lorsque je recroise la blonde peroxydée au niveau de l'entrée. Elle se contente de m'adresser un rire moqueur.

- C'est qui cette nana, me demande mon pote à moitié endormi. Tu l'as chopée ?
- Non mais un verre de plus et j'y arrivais, je lui réponds.

Après avoir slalommé entre quelques zombies abrutis par l'alcool, on arrive enfin à passer la porte de sortie. On croise un taxi. Vu que nos adresses sont diamétralement opposées je me dis que ça va être compliqué. Je laisse mon Tad dans le taxi et lui dit que je vais profiter des premières lueurs matinales pour rentrer à pied.
J'ai les oreilles qui bourdonnent encore mais ça ne m'empêche pas d'apprécier le concerto que représente le piaillement des oiseaux à cet instant. Du Rachmaninov comparé à la violence de la merde qui passait une heure plus tôt. Lorsque je sors de boîte comme ça, j'ai toujours l'impression de sortir d'un long voyage. Comme dans "Apocalypse Now", lorsque le GI surfer est complètement abruti par tout ce qu'il a traversé et qu'il se roule dans la boue du village des cannibales.
Légèrement hagard, après avoir survécu aux ténèbres de la boîte, le bruissement des arbres, le chant des oiseaux me semblent une juste récompense. Pouvoir goûter au plaisir simple. Merde, je crois que je suis encore bourré.

Je me sens bien alors je commence à fredonner la chanson d'un groupe danois qu'une bonne âme m'a fait découvrir la veille. "Somersault" de I got you on tape. J'avoue que j'ai mis du temps à comprendre qu'en fait Somersault était le nom de la chanson et inversement. Et puis je dois reconnaître qu'à part le "And I never drank alcohol, and I never got high" de l'intro qui m'a marqué et m'amuse, je connais pas les paroles. Donc je chante en yaourt. Mais c'est cool quand même je trouve.

En passant devant une boulangerie me revient en mémoire ce discours que m'avait un jour tenu un pote. Comme quoi la plupart utilisent maintenant des diffuseurs d'odeurs pour attirer le chaland. Un peu comme le chant qu'utilisaient les sirènes pour séduire les marins dans ces légendes grecques que me lisait mon père. Vu que je suis plutôt à la dérive, je me dis que je risque pas grand-chose de plus et entre, introduit par le tintement de la porte. Je dois pas avoir bonne mine si j'en crois le regard que me jette la vendeuse. Je m'achète une pâtisserie et sort sans un mot.
Les efforts conjugués du soleil et de la fatigue me ramollissent comme le macadam. Je décide de me poser sur un banc pour savourer ma chocolatine en toute tranquillité. Une légère brise me caresse les oreilles. Je suis bien mais je me dis qu'on ne savoure ce genre de pauses que parce qu'elles sont rares, alors je me dis qu'il est temps de partir. Dans un ultime effort, je me décide à rentrer en  métro.

J'arrive sur le quai et comme un signe, le wagon semble m'attendre paisiblement. Dernière ligne droite. Je m'affale sur mon siège.
A la station d'après, une fille s'installe juste en face de moi. J'ai du mal à cacher ma stupeur quand je me rends compte que cette nana n'est nulle autre qu'une fille de mon ancien lycée. On en a tous connu une comme ça. Sophie, Laura ou Manon... Quelque soit son prénom, il y a dans chaque lycée une fille qui a le reste de l'école à ses pieds et le pire c'est qu'elle ne semble même pas sans rendre compte. Elle vit sa vie tranquille, avec ses copines, alors que tous les mecs la reluquent et que les nanas la jalousent. Et bien moi, même si j'avais beau me dire que c'était trop beau pour être vrai, j'avais Audrey sous les yeux. En chair et en os !
Elle m'adresse un sourire, je me demande si elle m'a reconnu. N'écoutant que mon cœur alcoolisé, je prends mon courage à deux mains en me disant que de toute façon je ne peux pas tomber plus bas et lui lance :
"Ecoute, je m'en voudrais toute ma vie si je ne te dis pas ce que je vais te dire. Au pire si ça te plait pas, je change de wagon dans la minute. Bon, je suis sûr que je te connais, c'est bien toi Audrey non ?"
Même pas surprise, elle acquiesce et m'avoue que mon visage lui semblait aussi familier. Je sais pas si elle a dit ça par politesse mais ça m'a fait plaisir c'est sûr. S'ensuit une discussion émaillée de rires dont je ne me rappelle plus les détails. Et puis quand je lui dis que je sors à République, elle me répond que ça tombe bien, elle descend là aussi.

A partir de là tout s'enchaine très vite. A peine est-on descendu du métro qu'elle m'attrape la main, se serre contre moi alors que nos lèvres se pressent l'une contre l'autre comme si on était sur le point de mourir. Encore une fois j'ai du mal à réaliser ma chance. J'ai d'ailleurs à peine le temps de savourer ce moment de félicité que l'alarme du métro me ramène à la réalité. Ca m'apprendra à m'endormir sur mon strapontin. Pour le moment encore, tout ça est trop beau pour être vrai.

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I got you on tape est un groupe danois qu'un pote m'a fait découvrir il y a à peine deux jours et qui pourtant date de 2004. Comme quoi il y aura toujours des petites pépites qui restent solidement incrustées dans le lit de cette grande rivière qu'est la musique indie.
La recette du groupe est assez connue mais terriblement efficace. Des voix hypnotiques qui viennent se poser doucement sur une musique aérienne, des guitares lancinantes, des synthés lumineux... Pas grand chose de nouveau à l'horizon c'est sûr, mais il n'empêche que le faux rythme qui s'installe au fil de la chanson nous fait sentir aussi léger qu'une plume. Un conseil, attention au décollage.




mardi 22 février 2011

Vivian Girls : punk neurasthénique

La robe assortie au dessus de lit, LA tendance printemps / été 2011


Depuis quelques temps déjà, la vague des riiiiiot girls déferle de nouveau sur le monde du rock indie. Depuis le soleil de la Californie jusqu'aux nuages new-yorkais, des nanas avides de faire revivre l'héritage spirituel des Slits bottent le cul de gonzes encore encroutés dans leurs poses rock'n roll. Aux côtés de Best Coast ou des Dum Dum Girls, les Vivian Girls font ainsi entendre leurs voix fluettes sur fond de pop noisy...
En robe à fleurs ou en fourrure, on aime les entendre fredonner leur nouveau single "I heard you say", prélude au LP "Share The Joy" à paraître le 12 avril. L'occasion si ce n'était pas déjà fait de découvrir une guitariste qui a emprunté son nom aux Ramones, une bassiste aussi rousse que ne l'était la chanteuse des Lush (elle a aussi monté son projet solo La Sera) et une nouvelle batteuse qui succède à Ali Koehler, partie chez Best Coast dans des circonstances qui n'auraient rien à envier à un bon épisode d'Amour, gloire et beauté. Trahison et rock'n roll, une association qui marche depuis des années...
Tout ça nous donne une pop pêchue aux confins de la schizophrénie, en témoigne le contraste saisissant entre les teintes acidulées des voix haut perchées et le son shoegaze des grattes.
Une schizophrénie qui se retrouve jusque dans le titre d'un album intitulé "Share the Joy", mais conçu par des nanas à qui on ne saurait que trop conseiller d'ingurgiter quelques cachets de Xanax.

Vivian Girls, "I heard you say" : un titre bien de saison à savourer sous les rayons de soleil glacials de ce mois de février.


jeudi 10 février 2011

Des cons et ma Bovary



Qu'est ce que je peux bien foutre planté là devant la porte de cet immeuble cossu du 16ème ? C'est la question que je me pose alors que je pianote fébrilement sur l'intercode. Sésame ouvre-toi.

Alors que je monte un escalier qui crépite sous mes pas comme ces pétards d'enfant que j'explosais les soirs de 14 juillet, je réalise que je ne suis pas seul. Une fille qui grimpe d'un pas bien plus léger que le mien me devance d'un étage. De sa silhouette, je ne devine pas grand-chose hormis sa chevelure rousse qui, sous les reflets de la lumière des appliques du couloir, épouse les couleurs mordorées de son col de fourrure.

Je la rejoins alors qu'elle sonne. A peine avons-nous le temps d'échanger un sourire gêné que la porte s'entrouvre pour laisse échapper un fracas assourdissant, mélange d'exclamations, de tintements de verres et de musique festive. Bienvenue en enfer.

Alors que mon inconnue ôte délicatement sa cape, je lui jette un regard à la dérobée pour vérifier que le côté pile est raccord avec le côté face. Elle a une frange et de longs cheveux relevés en chignon. Elle porte une robe blanche à pois noir, comme pour parfaire son look très rétro. Au-delà de son style vestimentaire, son seul charme suranné tranche avec le décorum ambiant, défilé de bobos, en mode petite chemise / jean slim / vans, le tout parfois agrémenté d'une fine moustache (LA tendance pilaire chez les mecs en 2011) ou d'une mèche "négligemment" rebattue toutes les 45 secondes. Le comble du chiquissime.

J'ai moi-même le sentiment de jurer un peu dans le décor. Une impression confirmée par mon hôte du jour, Jean-Baptiste, qui se moque gentiment de mon look jean et tee-shirt délavé. Le comble du cheapissime.
- Rooh, t'aurais pu faire un effort quand même. Sérieux c'est quoi ce tee-shirt !
- Désolé mec, je sors à peine du boulot, j'ai pas eu le temps de me changer.
Cet aveu a pour seul effet d'interloquer mon hôte qui ne sait pas si je blague ou pas. N'ayant manifestement pas envie de trancher, il me propose de nous diriger vers le bar. Je l'aime bien JB, il est en fait bien plus cool que son look branchouille ne pourrait le laisser présager. Bien loin de cette caste de mecs un peu superficiels qui fréquentent le Social et ces autres endroits à la mode, et que je retrouve aujourd'hui en nombre.

Il m'a envoyé cette invit' pour une fête d'anciens étudiants de ma fac il y a quelques jours de ça. J'ai un peu hésité avant de venir mais ai finalement dit oui, en me disant que rien ne m'obligeait non plus à rester longtemps si je n'étais pas à l'aise.
D'ailleurs si ça me fait plaisir de revoir certaines têtes, ça me tue toujours autant de voir quelques blaireaux que je ne pouvais déjà pas encadrer à l'époque. Mais pas de surprise ici non plus, la plupart ont fini exactement comme je l'avais imaginé. La baraque et la femme qui va avec, le premier bébé en route...
On se croirait comme dans une de ces publicités des années 50 qui faisait l'apologie de la vie de famille et de la société de consommation. Mis à part que ce grain d'image caractéristique des caméras de l'époque s'efface au profit d'une vision plus brumeuse provoquée par les volutes de fumées et les gouttes d'alcool qui virevoltent ça et là, à mesure que les verres s'entrechoquent.

Alors que le doux clapotis de la vodka que JB verse dans mon verre me parvient aux oreilles, j'aperçois ma rousse au teint laiteux, occupée à discuter avec un moustachu.

-Tu la connais la fille ?, je demande en esquissant un geste de la tête dans sa direction.
- Anna ? Me dit pas que tu te l'es tapée.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce qu'elle se tape tout le monde
- Tu déconnes ?
- Non et d'ailleurs ferme ta gueule, voila son mec !
- Mais t'as dit qu'elle se tapait tout le monde...
- Justement !

Le moustachu, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a délaissé sa douce Anna pour venir nous parler. JB en hôte poli me présente alors que moi qui le suit beaucoup moins, je prétexte avoir reconnu quelqu'un et m'absente.

A peine le premier verre de vodka éclusé, je tourne parmi les petits groupes de personnes qui se sont amoncelés ça et là, sans avoir envie de parler à aucun d'entre eux. Je regarde avec une concentration exagérée l'iPod qui distille le son de la soirée et suis sur le point de programmer le dernier morceau de Metronomy lorsque je sens une main se poser sur mon épaule.
Anna me gratifie à nouveau d'un sourire, sauf que cette fois, loin d'être gêné, il est enthousiaste. J'ai des papillons dans le cœur et l'impression d'avoir du métal en fusion dans les veines. Température corporelle qui avoisine les 40 degrés.

Elle entame la discussion par des questions classiques. Qui tu connais ? Tu fais quoi dans la vie ? Bien que j'ai tenu ce genre de discussion des centaines de fois, j'ai du mal à réfréné mes émotions. Alors qu'elle remarque que mon teint rosit à mesure que la discussion avance, je mets ça sur le compte d'une réaction à l'alcool.

Et puis une fois que les poncifs ont été évacués, chacun aborde sa jeunesse. On commence par la sienne.
- Beaucoup de bouquins, pas mal de mecs mais finalement pas tant de raisons de s'exalter. Le parcours plutôt lisse d'une jeune fille du 16eme, confesse-t-elle alors qu'elle vide son mojito d'un trait.
Elle me parle aussi de Pierre, le moustachu, qui bien qu'un peu ennuyant, la rassure. Elle me dit que parfois les filles plus que de vivre de grandes aventures, ont simplement besoin d'être rassurées, de rester dans leur zone de confort.
- Un peu comme ces princesses dans les livres qui préfèrent leur prison dorée aux contrées inexplorées qui les entourent. Mais bon, peut-être que moi aussi j'attends le prince charmant qui me sortira de là, ajoute-t-elle dans un rire cristallin.

C'est marrant, je me l'imagine un peu comme une Emma Bovary des temps modernes. Une nana qui a beaucoup lu durant sa jeunesse, voire trop. Marquée au fer rouge par ses lectures romantiques, elle se rend compte que sa vie sentimentale, loin de se conformer à ses rêves, ne lui apporte que frustrations et désillusions.
Loin de cadrer avec ses attentes un peu naïves de jeune fille en fleur, le mec avec qui elle sort aujourd'hui, tout aussi médiocre que les autres mecs avec qui elle le trompe, se révèle un substitut à peine acceptable à une vie qu'elle déteste. Elle trompe son ennui et son insatisfaction en couchant à droite à gauche mais aimerait au fond d'elle pouvoir se blottir contre le corps post-coït encore brûlant d'un amant qu'elle aime à en perdre la raison. La voila ma bovarienne. A défaut de fille facile je me rends compte qu'elle essaie désespérément de combler un vide, en s'offrant au premier venu. Et ça m'énerve un peu, voire beaucoup.
Attention, je n'ai pas la prétention de dire que je pensais que cette pièce manquante dans sa vie c'était moi, bien que sur le coup, enivré, je pense en avoir été persuadé. Et c'est d'ailleurs pourquoi je ne m'étonne pas tant que ça de lui avoir balancé toutes mes hypothèses à la gueule. Je me suis carrément emballé et je lui ai demandé si ce que JB m'avait dit était vrai et pourquoi elle faisait ça. C'est clair que c'était en partie l'alcool qui parlait à travers moi mais en même temps ça m'énervait de la voir se laisser aller comme ça, alors que moi je ramais comme un malade pour avancer, sans succès. Cette fille elle avait tout, je le voyais bien, tout le monde le voyait. Sauf elle. Elle s'enfermait dans cette posture alors que pour moi elle était bien plus que ça.

Elle se débine pas et me dit.
- Oui et alors, je profite de la vie. Qu'est ce que ça peut te foutre ? T'es jaloux ? Toi aussi t'as envie de tirer ton coup ? Tu veux qu'on aille dans la chambre d'à côté faire ça vite fait, bien fait ?

Silence. Je la regarde dans les yeux et décide sans autre mot qu'il est temps pour moi d'arrêter les frais. Je me casse. Alors que je sors de l'immeuble, le froid hivernal me cloue sur place, j'ai l'impression d'avoir pris un coup de poing dans l'estomac. J'ai du mal à respirer. Je m'allume une clope ne sachant pas quoi faire d'autre.

Et de nouveau je me demande :
-Non mais vraiment, qu'est ce que je peux bien foutre planter là devant cette porte d'immeuble ?

Alors je pars et je cours. Je cours comme un con faute de mieux et parce que j'en ai marre de pas réussir à avancer dans la vie. J'en ai marre de faire du surplace et mes jambes l'une après l'autre commencent à accélérer, dans une cadence qui pour moi devient salutaire.
Je fais de cette course effrénée jusqu'à l'arrêt de métro une question de vie ou de mort pour laquelle la vieille complètement ramassée que je dépasse et la poubelle éventrée que j'enjambe sont autant d'obstacles.
Le vent glacial qui me fouette le visage fait naître des larmes à la commissure de mes lèvres. Des larmes qui s'étirent comme la cire d'une bougie dont la flamme vacille. Sauf que moi j'ai tout sauf envie que cette flamme s'éteigne alors que mon effort athlétique ramène un peu de chaleur dans mon corps et dans mon cœur frigorifié.

A bout de souffle comme un Belmondo à la poursuite de Jean Seberg ou de je ne sais qui, je ne sais quoi, je descends l'escalier pour me jeter comme un désœuvré sur le quai.
8 minutes bordel, j'y crois pas. Le destin semble s'escrimer à me retenir prisonnier. Me voila comme un con, de nouveau prisonnier de mon immobilité.
Un bruit qui me semble familier me sort de ma torpeur : un claquement de talons sur le ciment dur du quai. Je tourne la tête. Je la voie.

- Pourquoi t'es parti de la soirée ?
- Et toi pourquoi tu m'as suivi ?
- Tu pensais ce que t'as dit tout à l'heure ?
- Pourquoi j'avais raison ?
- Ca changerait quelque chose tu pense ?
- T'en as pas marre de répondre à mes questions par d'autres questions ?

Elle pose son index pour m'indiquer de me taire puis esquisse un léger mouvement de tête en arrière. Contrairement à Bovary, à la fin de cette histoire ce n'est pas dans de l'arsenic qu'elle trempe ses lèvres mais dans les miennes, trop surprises par ce qui leur arrive.
A cet instant, je sais pas si pour elle je ne serai  qu'un parmi tant d'autres mais je m'en fous . Moi aussi j'avance enfin. Et c'est tant mieux.

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J'avoue que ma came du moment c'est "She wants" de Metronomy, le single de l'album "French Riviera" qui sortira le 11 avril. J'aime bien le rythme faussement nonchalant de la chanson, ponctué de tremolos toutes les 30 secondes, des "Boeings" lancinants.
D'ailleurs je trouve que le clip cadre bien avec le morceau, en témoigne les séquences en slow motion qui le parsèment, dans cette atmosphère un peu défraichie de fin de soirée.
Dans la séquence d'intro, le speaker de la radio balance "it's a hot and sticky night in the bay area, you'r listenning to French Riviera FM", je pense qu'au final, on a tous envie de s'abandonner dans la moiteur des draps de soie du lit, blotti contre cette brune langoureuse.


mardi 1 février 2011

Les Kills, vous allez en mourir d'envie


En soirée, avant le début d'un concert ou même parfois au moment du petit-déjeuner, il est une question qui revient perpétuellement, insidieuse, lancinante, alors que ma gorge se noue aussi brutalement qu'elle est prononcée, me rappelant les moments les plus sombres de mon histoire personnelle, lorsque ma prof de math m'interrogeait sur les fonctions exponentielles. Cette question c'est la suivante : "dis-moi, c'est quoi ton groupe préféré ?"

Il faut dire que mes revirements systématiques sont un sujet récurrent de moquerie parmi des potes qui, intraitables, s'acharnent à me mettre face à mes contradictions.

"-Mais je croyais que c'était le Black Rebel Motorcycle Club ton groupe préféré ? T'as changé d'avis ? Ce sont les Libertines maintenant ? Je te rappelle qu'ils ont quand même splitté il y a un moment.
- Oh du calme, t'es de la police ou quoi ?"

Cette stigmatisation aussi éprouvante soit-elle pour ma pauvre petite personne a au moins un mérite. Elle souligne la difficulté pour tout un chacun de faire le tri entre :

- son groupe préféré de tous les temps mais qui a un peu vieilli (ah Led Zep, ça envoyait du bois à l'époque)
- le groupe pour lequel on éprouve une tendresse particulière mais qui a splitté (les Libertines, leurs embrouilles perpétuelles ne me les rendaient que plus fascinants)
- le groupe qu'on dit adorer parce que ça fait underground et que ça satisfait notre ego un peu snobinard (Quoi tu connais pas Crystal Fighters ??? C'est une sorte de brassage low-fi-dubstep-punk à la sauce world)
- et pour finir, le groupe sur la musique duquel on a connu son premier flirt adolescent (Michel Berger, je m'en rappelle comme si c'était hier, elle s'appelait Jennifer...).

Difficile du coup, dans ce barnum de préférences, de faire émerger LE groupe.

Cette petite introduction existentielle n'a pour seul but que de vous parler des Kills. Car les Kills, eh bien pour moi c'est un petit peu tout ça. Un groupe qui figure en bonne place dans mon panthéon personnel. C'est un duo, composé d'un brun ténébreux, Jamie Hince (accessoirement le mec de Kate Moss) et d'une brune toute aussi ténébreuse mais encore plus magnétique, Alison Moshart, objet éternel de mes fantasmes adolescents. Niveau musique, on peut parler pêle-mêle, de combo rock garage, guitares lancinantes, chansons minimalistes, boîtes à rythme. Je vais arrêter là car on dit à juste titre qu'une bonne écoute vaut toujours mieux qu'un long discours donc faites vous votre avis , et encore .

Les Kills sortent leur 4e album "Blood Pressures", le 4 avril prochain. Soit deux jours avant leur concert au Bataclan auquel évidemment je ne manquerai pas d'assister. Hier ils présentaient le premier single extrait de cet album, "Satellite".
S'il est toujours difficile de juger un album à l'aune d'une seule chanson, on peut toutefois dire que celle-ci laisse présager un album résolument différent de ce qu'ils ont fait par le passé. Magic RPM parle assez justement d'un "étrange blues reggae-rumba, avec son rythme traînant et son chant d'emphase".

Personnellement, moi qui aime le sont brut et garage des Kills, je dois avouer que je ne me suis pas forcément extasié devant ce son un peu trainant qu'est Satellite.
Mais bon, tout ça ne m'empêche quand même pas d'attendre avec une impatience non dissimulée la mise en orbite hihihi